Le pouvoir de dire „non“
- sylvie bouny

- 5 déc. 2021
- 2 min de lecture
C’est le thème du film de Mohammad Rasoulof „Le diable n’existe pas“, sorti le 1er décembre.
Aller le voir, c’est dire „oui“ au „non“

Ici, je m’attache à la forme plutôt qu’au fond du propos, au rôle du cinéma, résistant politique, qui transmet des informations visuelles et émotionnelles. Images animées gorgées de détails, plus complètes qu’une photographie isolée bien légendée. Ainsi la transpiration, le regard long qui questionne, le flageollement des jambes… Le cinéma permet aussi l’effet de surprise qui nous fait sursauter pour nous plonger dans la sidération.
Les images animées du film sont remplies de détails que notre perception captera, ou pas, retiendra, ou pas. Elles nous emmènent au-delà de l’instant.
L’ image fixe de la photographie nous fige dans l’instant de sa prise. 1/250 seconde de l’histoire qu’elle raconte, soumise à notre émotivité. Mais elle est un fait. Quoiqu’un fait isolé de sa complétude.
Par là, notre imaginaire travaille, seul ou appuyé sur notre connaissance.
Spectateur d’un film engagé, l’émotion s’emballe en laissant moins de place à l’imagination.
Autant factuel l’un que l’autre, la photo de reportage et le film engagé sont éminemment complémentaires.
Je suis habitée par des photos, mais je peux leur faire dire (presque) ce que je veux.
J’habite dans un film qui m’amène à voir ce que la plupart des photos ne peuvent plus montrer. Elles n’y sont plus autorisées par diverses formes de censure (politique, économique, sociale, législative).
Pour rappel, en 1945, ce sont les photos de Margarethe Bourke-White qui ont montré l’impensable et l’inimaginable d’Auschwitz.
Entre 1966 et 1972, ce sont les photos de la guerre au Viêt Nam, de Larry Burrows, Henri Huet, Nick Ut, Catherine Leroy par exemple et les récits des journalistes qui donnent naissance au mouvement contestataire.
En 2003, c’est l’Irak qui commence : les photo-reporters „embedded“ n’ont pas eu accès aux sites dits sensibles de fabrication d’armes. Le mensonge onusien de Colin Powell ne sera démenti que des années plus tard. Trop tard.
Les reporters ont-ils encore accès aux situations qui fâchent ?
La photo d’actualité a laissé la place au cinéma d’information, tourné en catimini. L’un évoque ce que l’autre ne peut plus montrer.




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